Talon-pointe. Talon-pointe. Talon-pointe.
Guessa avançait silencieusement, complètement ouverte à la perception de tous les bruits qui l'entouraient. Malgré la rapidité de sa marche, ses cheveux noirs recouvrant son visage ne frémissaient pas. Elle accompagnait chacun de ses pas de tout son être, de toutes ses fibres. Pas un soubresaut ne l'agitait. Sanglée dans son moulant costume de cuir noir qu'elle utilisait dès qu'elle était en mission, recouverte par sa chevelure d'encre, elle était totalement invisible à qui ne savait pas regarder. Soudain, son ouïe aiguisée par les années perçut le bruit de pierres heurtant le sol. Puis, beaucoup plus audible, celui d'un gigantesque morceau de roc s'écrasant, et celui plus faible mais oh combien plus sordide de la chair écrasée. Vérifiant que personne ne l'entourait, Guessa partit au pas de course et parcourut rapidement les quelques centaines de mètres qui la séparaient de l'endroit le l'incident. Ayant pris le soin de rester dans l'ombre à l'entrée de la ruelle, elle jeta un bref coup d'œil puis leva les yeux au ciel. Même si elle s'était endurcie à toutes les horreurs de ce monde, elle avait quand même gardé un semblant d'humanité et ne recherchait pas la vue du sang. Son regard perçant lui permit de voir ce qui s'était passé. Un balcon apparemment mal entretenu s'était effondré sur une personne qui marchait tranquillement dessous, sans se soucier du danger imminent. Mais que la balustrade soit tombée pile au mauvais moment était étrange.
Prenant appui sur une gouttière, glissant la pointe de son pied gauche dans une faille invisible, elle poussa un grand coup sur ses appuis et se retrouva accrochée au mur de l'autre côté de la ruelle, trois mètre plus haut. Trouvant de multiples prises dans les murs lézardés, elle parcourut les quelques mètres qui lui restaient et monta sur le toit. Les maisons, plutôt anciennes, étaient toutes à la même hauteur et elle n'eut pas de mal à remarquer une petite tâche sombre, quelques pâtés de maison plus loin. La présence d'une personne à cet endroit était illogique et elle ne douta pas qu'il s'agisse d'un marchand d'ombre. Qu'il ait parcouru cette distance en si peu de temps n'était pas inhabituel. Prenant un peu d'élan, elle sauta quelques ruelles puis une rue plus importante de quelques mètres de large. Accroupie pour ne pas perdre l'équilibre sur le toit pentu, elle se redirigea vers l'ombre et réalisa qu'elle n'avait pas bougé.
*Étrange. Ne m'a-t-il pas vu ? Pour un marchand d'ombre, il n'est pas trop réactif...*
Elle recommença ses acrobaties et atterrit finalement de 'l'autre côté du toit du jeune homme. Se relevant, elle enjamba la cheminée puis s'assit à côté de lui comme s'il était tout à fait normal de se trouver là.